Entrevue Le Nouvelliste Mars 2015

Le virtuel en lieu et place des cimetières

Louise Plante
LOUISE PLANTE
Le Nouvelliste
La technologie aidant, les cimetières traditionnels pourraient bien faire place à une mémoire collective virtuelle et qui sait, quasi immortelle.
C’est le rêve que caresse Michel Virard, d’Immortels.ca, qui propose déjà des vidéos-biographies sur support DVD, des documents qui contiennent plus d’informations que de simples épitaphes ou registres d’état civil. Beaucoup plus. Le nouveau service a aussi ceci de particulier de démocratiser la mémoire, en ce sens que tout le monde pourrait témoigner de son histoire, un privilège souvent réservé aux personnalités publiques ou célébrités. Déjà, on peut voir dans les salons funéraires des présentations audiovisuelles sur la vie des défunts, préparées par leurs proches. La formule de vidéo-biographie pousse le concept plus loin en permettant aux gens de préparer eux-mêmes leur propre document et d’être filmés à plusieurs moments de leur vie, dans leurs activités professionnelles ou autres.
Le seul problème qu’il reste à régler est de trouver un gestionnaire de ces documents et une place sur le web qui pourrait devenir un immense cimetière virtuel que tout le monde pourrait consulter. Le projet est si vaste qu’il donne le tournis. M. Virard fait la promotion de cette idée depuis quelques années déjà, soutenu par l’écrivaine trifluvienne Andréa Richard, bien connue pour ses positions résolument laïques et ce, dans tous les aspects de l’existence, y compris la mort.
À la lecture des récents articles du Nouvelliste portant sur le déclin des cimetières et la venue prochaine d’une législation sur la façon de disposer des cendres des défunts, Mme Richard exprime le souhait que les gens puissent décider eux-mêmes de ce qu’il adviendra de leurs restes, entre autres en les répandant où bon leur semble. «Moi, je trouve qu’il y a une exploitation financière dans cette question», confie-t-elle.
Elle verrait bien par exemple, un «jardin des cendres» dans chaque ville, sorte de «fosse commune» de l’avenir. Par ailleurs, l’idée d’un cimetière virtuel et laïc l’emballe. Déjà, un membre de sa famille s’est prévalu de ce service. Devant les possibilités infinies du web, elle se met à rêver d’un cimetière virtuel où on pourrait retrouver rassemblés des témoignages d’écrivains trifluviens, captés de leur vivant dans leur milieu de vie. «Quel beau souvenir on pourrait laisser. De cette façon, les descendants pourraient se reconnaître dans un regard, un sourire.».
«Cela fait 10 ans qu’on réfléchit à ça, enchaîne M. Virard. Je m’intéresse particulièrement à la pérennité de nos souvenirs, comme de nos archives. Or, ce problème est en passe d’être résolu de façon électronique, notamment. C’est vrai qu’à la première décennie du troisième millénaire, tout à coup, il est devenu possible de maintenir des informations vraisemblablement pour une très longue période. On parle de milliers d’années si la technologie continue d’avancer. Cela crée un monde virtuel tout à fait inattendu que les humains n’ont pas encore totalement intégré. Et c’est un fait que beaucoup de gens se montrent plus intéressés par la trace qu’ils pourraient laisser dans un univers virtuel que par l’endroit où seront répandus les restes physiques de leur corps. Dans la même mesure qu’il y a une désaffection envers le corps physique, il y a un intérêt vers ce que les gens vont laisser comme souvenir.»
Déjà, observe-t-il, on verrait le phénomène dans les sociétés de généalogie où des gens apprennent à rédiger leur autobiographie pour laisser à la postérité plus que leur nom et leur date de naissance.
Ce qu’il manque pour l’instant, précise M. Virard, ce sont les moyens légaux d’assurer la pérennité de ces souvenirs sur le web. L’équivalent du travail que font les fabriques pour les cimetières traditionnels, quoi.
Pour plus d’informations, on peut consulter le site www.immortels.ca ou visionner les vidéos de démonstration au site http://immortels.ca.